Depuis plus d’un an et demi maintenant que Lingva existe, nous avons tenté de ramener à la lumière des auteurs parfois totalement tombés dans l’oubli, alors même que parfois ils ont pu être populaires de leur vivant. Les causes de cette amnésie littéraire sont multiples, mais bien souvent la politique n’est jamais loin. L’un des auteurs qui attirent notre attention en ce moment est Sergueï Solomine.
Sergueï Solomine est le pseudonyme de Sergueï Yakovlevitch Stretchkine (1864-1913), un noble de la province de Toula, qui fit ses études à l’Académie forestière de Moscou avant d’en être expulsé en raison de sa participation aux mouvements révolutionnaires, et notamment à l’organisation arnachiste clandestine La Volonté du Peuple (Narodnaya Volia). Il est arrêté en 1887 et exilé dans la région d’Arkhangelsk. Il ne rentre de cet exil que trois ans plus tard. Il se lance alors dans l’écriture et commence à collaborer, à partir de 1894, à la plupart des magazines populaires d’avant-guerre : Argus, La Revue Bleue, Ogoniok.
L’essentiel de son activité prend place entre 1909 et 1913. Grand amateur d’Arthur Conan Doyle – il a publié une Fin de Sherlock Holmes en 1911 –, son domaine est celui de la littérature populaire, du récit d’évasion. Et de ce fait, il est l’un des premiers auteurs russes à se consacrer régulièrement à la science-fiction. Inventions fabuleuses, aventuriers, voleurs, ingénieurs philanthropes, tout cela se croise dans ses récits et nouvelles qui, s’ils ne sont pas l’œuvre d’un grand styliste, se lisent toujours avec plaisir. Sergueï Solomine est à ce titre un véritable précurseur.
En 1905, il participe aux événement révolutionnaires, mais ne sera pas immédiatement inquiété ; ce n’est qu’en 1910 qu’il est de nouveau condamné à l’exil, cette fois-ci dans l’Oural. Cela ne l’empêche pas de continuer à publier mais il tombe alors malade, et il décède en 1913, alors qu’il avait été autorisé à s’installer près de Saint-Pétersbourg. Une grande partie de ses récits ont été rassemblés en deux volumes et publiés en 1914. Il n’a jamais été réédité durant l’époque soviétique, ce qui ne surprend pas, vu qu’il était nihiliste, et il a fallu attendre ces dernières années pour voir ressurgir, dans des anthologies thématiques, certaines de ses nouvelles. Ses autres textes restent encore assez difficilement accessibles.
Sans doute ne ferons-nous pas un recueil de ses œuvres, du moins pas dans l’immédiat, mais nous avons traduit déjà trois de ses nouvelles, appartenant à des genres différents, mais relevant tous de la littérature populaire d’alors.
Le premier a donc été sa Fin de Sherlock Holmes (1911), que nous avons publiée directement sur notre blog, en libre accès. Solomine y dévoile son admiration pour le héros d’Arthur Conan Doyle.
Le deuxième est Le Vampire (1912), éditée cette fois en numérique. Influencé par Bram Stoker (qui n’était alors pas traduit en russe, Solomine présente en quelques courtes pages des idées alors nouvelles sur les causes du vampirisme.
La troisième, Les Ancêtres (1913), paraîtra sans doute à l’automne au sein de l’anthologie Dimension Merveilleux scientifique 2, dirigée par Jean-Guillaume Lanuque pour les éditions Rivière Blanche. On y découvrira un monde perdu, là encore à la façon de Conan Doyle (dont le roman sera traduit en russe après la parution des Ancêtres), mais situé cette fois sous terre, comme celui que présentera quelques années plus tard Vladimir Obroutchev dans La Plutonie.
Plus tard, peut-être traduirons-nous encore d’autres de ses textes.