Nous avons eu le plaisir de pouvoir poser quelques questions à Marina et Sergueï Diatchenko, au sujet de La Caverne, mais aussi d’un autre roman à paraître en France:
Russkaya Fantastika: Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un roman comme La Caverne?
Sergueï Diatchenko: Ma thèse de doctorat était consacrée à la génétique de la criminalité, et c’est donc depuis longtemps que je réfléchis au phénomène de la violence, à ses racines et à sa prévention. Avec Marina nous avons souvent discuté de ce qu’est l’agression et de ce qu’est la « victimité ». Et est-il possible d’imaginer une société sans cette agression? C’est à la suite de ces discussions que le roman la « Caverne » est né.
Marina Diatchenko: Pas du tout. C’est un traité qui aurait pu naître à la suite de ces discussions mais pas un roman. Ce sont des associations fortuites, des sensations vagues, des images, des caractères, des détails frappants qui sont devenus le motif de la naissance de ce roman. Et seulement après, tout cela a commencé à se réunir en une histoire cohérente.
RF: Où se trouve la Caverne? Est-ce un univers parallèle? Ou notre monde dans un lointain futur?
Marina et Sergueï: Ici, chaque lecteur est en droit de penser à sa guise. A quoi cela servirait-il de détruire une certaine intrigue en la révélant dans notre réponse? Il peut exister d’autres interprétations.
RF: Ce roman sonne comme une charge contre le milieu de la psychiatrie. Etes-vous en froid avec cette profession?
Sergueï: Non, pas du tout! Je suis moi-même psychiatre. C’est un travail très dur mais aussi très nécessaire. Tout le monde est au bord de la folie. La civilisation est atteinte de schizophrénie. Qui va la soigner?
Marina: Sergueï aime vraiment la psychiatrie, il sent bien les gens, sait manier l’hypnose et beaucoup d’autres choses. Dans le roman nous ne voulions pas du tout attaquer les psychiatres parce que ce sont eux qui ont construit le monde que beaucoup de nos lecteurs considèrent comme une excellente utopie.
Sergueï: D’autres prouvent avec passion que le monde de la « Caverne » est au contraire, une sombre anti-utopie.
RF: En définitive, êtes-vous d’accord avec cette classification des personnes en victimes et prédateurs?
Sergueï: Cette simple arithmétique est alléchante depuis l’époque de Francis Galton et Cesare Lombroso, mais la vie est plus compliquée que les mathématiques de non-euclidiennes. La génétique n’est pas un fatum, et une victime peut bien se transformer en animal peut-être peureux mais insolent et agressif.
Marina: L’héroïne principale du roman La Caverne réfute justement tout ce schéma de classification. Elle en est extérieure.
RF: Est-ce qu’on peut dire que Pavla Nirombets et Raman Kovitch vous ressemblent quelque part?
Marina: Tous nos héros nous ressemblent quelque part. Comme chez tout écrivain.
Sergueï: Pas tout à fait comme ça. Kovitch est une image collective, le résultat de l’observation de certains metteurs en scène. Mais Pavla a été esquissée avec les traits de caractère de plusieurs de nos amis. Marina et même moi nous ne sommes pas aussi désordonnées dans la vie que notre chère Pavla. Bien que sous le rapport de l’anti-victimisation et de l’obstination nous puissions l’envier.
RF: Dans vos oeuvres, la psychologie des personnages occupent une place importante, beaucoup plus que l’action. Vos personnages semblent souvent au bord de la folie. Pourquoi vouloir les emmener jusqu’à ce stade? Un héros fort ne vous conviendrait-il pas?
Marina: Permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous. Est-ce que les personnages de La Caverne, Kovitch et Tritan, ne sont pas des personnes fortes et d’un seul tenant, ou, par exemple, l’héroïne du roman Armagued-dom, Lidia Sotova, qui a un caractère de fer et une volonté inflexible? Pour le personnage principal du roman Vita nostra, Sachka Samokhina, c’est la même chose: en passant par de rudes épreuves, elle devient aguerrie…
Sergueï: Mais la psychologie est vraiment notre marotte. Cela nous intéresse. Surtout quand un héros se heurte à un dilemme éthique insoluble à cause duquel il est obligé de modifier l’interprétation de toute sa vie.
RF: Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ensemble?
Marina et Sergueï: L’amour.
RF: Un de vos romans, Varan, doit sortir dans quelques mois en France, dans la collection Wiz d’Albin Michel. Pourriez-vous nous en dire quelques mots?
Marina et Sergueï: C’est un de nos romans préférés. De la fantasy, un récit de voyage original. Notre soif de voyager inapaisée y a été peut-être concentrée – nous avons parcouru la moitié du monde mais nous n’avons vu, n’avons senti qu’un fragment d’un grand kaléidoscope. Qu’est-ce qu’il y a là-bas, derrière l’horizon? De plus, dans ce roman nous essayions de comprendre ce que c’était le miracle, la création, le bonheur… Ce sont les questions éternelles non seulement pour l’adolescent mais aussi pour l’adulte – au moins pour des adultes tels que nous. Mais voici ce qu’un critique a dit de ce roman: « Il est question dans ce roman des voyages d’un salaud, Varan, qui a quitté sa fiancée, refusé la carrière de fonctionnaire au service de l’empereur et la vie confortable d’artisan pour trouver un jour l’Etincelle Errante – un supposé démiurge de ce monde qui, comme le dit une légende, vagabonde dans les village et partage avec les gens une force magique: après son départ, des magiciens naissent dans les maisons qu’il a visitées. Les chapitres où Varan atteint presque le mystérieux vieillard se lisent avec une tension sincère mais la fin de la poursuite est inattendue pour ceux qui sont habitués aux sujets banals ».