Au temps de Pythagore, Hipparque, un jeune Spartiate, a commis un meurtre. Rongé par le remords, il pense que l’initiation aux mystères de Samothrace, sous la surveillance d’un disciple d’Orphée, lui permettra de retrouver une raison de vivre. Mais sa rencontre avec Atalante, la belle et farouche fille du grand prêtre, tentée par le culte d’Hécate, redoutable déesse de la Lune, va tout bouleverser. Entre l’ordre et la discipline prônées par les Cabires, c’est-à-dire les fils de Zeus, les Dieux puissants, et la liberté sans limites offerte par Hécate, Atalante devra choisir.
Les Dieux puissants est un roman publié en français en 1910 et 1911 par Nady Baschmakoff, une obscure inconnue.
Nady Baschmakoff est en fait Nadejda Bachmakova, la fille de l’historien et journaliste Alexandre Baschmakoff, qui dirigeait alors La Revue contemporaine, où parut Les Dieux puissants. Destinée aux Français installés en Russie, La Revue contemporaine n’avait pas un lectorat important, aussi le roman passa-t-il totalement inaperçu. Nady Baschmakoff publia ensuite un second roman, puis survint la Première Guerre mondiale, suivie de la Révolution. Après avoir un temps suivi l’Armée blanche, Alexandre Bachmakov s’exila en France, où il devint professeur à la Sorbonne. Sa fille, elle, resta à Saint-Pétersbourg, où sa culture et sa formation lui permirent de subsister, notamment en travaillant comme guide de musée. Cependant, du fait qu’elle était issue de la noblesse, elle fut régulièrement inquiétée par les autorités soviétiques. En 1928, elle fut une première fois arrêtée : elle passa quelques mois en prison avant d’être finalement libérée. Mais en 1935, elle fut déportée, en même temps que son fils, à Astrakhan, et finalement condamnée à mort le 17 janvier 1938. Elle fut fusillée le jour même.
Nady Baschmakoff sera réhabilitée, comme tant d’autres victimes de Staline, en 1992. Mais son œuvre reste alors encore ignorée. Nous l’avons redécouverte en feuilletant La Revue contemporaine. Et ce texte nous étonna : par son audace – un roman antique : une rareté dans la littérature russe, où peu, en dehors de Dmitri Merejkovski, ont osé aborder ce genre. Mais aussi par son propos. Armée de tout le savoir de l’époque sur la Grèce antique, Nady Baschmakoff place son intrigue au cœur de quelque chose que nous connaissons encore fort mal : la religion des mystères. Et dans ce cadre elle nous offre une tragédie, non pas vraiment grecque, mais digne d’un opéra de Georges Bizet ou de Giacomo Puccini.
Un texte rare, tant par son propos que par sa forme : voilà tout ce qui plaît aux éditions Lingva. Il nous fallait donc le rééditer. Mais la version donnée par La Revue contemporaine, la seule connue, était régulièrement défectueuse : coquilles et fautes typographiques s’y accumulaient. Nous avons donc dû effectuer un important travail éditorial, avec la complicité de Samuel Minne, que nous remercions encore. Nous avons aussi fait appel à Véronique Jobert, professeur émérite à l’Université de Paris-Sorbonne et directrice de La Revue russe. Grande spécialiste de l’histoire russe des années 1920 et 1930, elle a accepté d’ouvrir ses archives personnelles et de nous offrir une préface. Nous lui devons aussi le portrait de l’auteur, qui illustre cette note.
Dans quinze jours environs, le roman Les Dieux puissants reparaîtra. C’est ainsi qu’en quelque sorte nous vous offrons une double résurrection : celle d’un auteur et celle d’une œuvre.