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Aux sources de la science-fiction russe moderne

Il est temps pour nous de revenir à nos premières amours, avec un récit de science-fiction, hélas inachevé, mais d’une importance rare pour l’histoire du genre, non seulement en Russie, mais sans doute au-delà.

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Le Soulèvement des machines, du grand poète Valeri Brioussov a été rédigé en 1908. Mais l’auteur l’a laissé en plan dès le chapitre deux, juste après avoir eu le temps, cependant, de mettre en place son univers futuriste. Et quel univers: téléphone, radio, télévision, réseaux, tout y est, jusqu’à cette conscience nouvelle qui pousse les machines à la révolte contre l’homme.

Le caractère inachevé et la brièveté du fragment fait qu’évidemment nous ne publions Le Soulèvement des machines qu’en numérique. Mais pour ceux que la pensée futuriste de Brioussov aura intéressés, nous ne pouvons que conseiller la lecture de ses autres oeuvres de science-fiction traduites en français: une pièce de théâtre, La Terre, parue dans notre anthologie Dimension URSS chez Rivière Blanche, et une poignée de nouvelles dans le recueil Les Derniers martyrs, paru chez l’éditeur québécois Keruss. L’ensemble est brillamment traduit par André Cabaret, qui a largement contribué à la redécouverte de cet auteur dans l’Hexagone.

Nikolaï Lvov et la France

Nous écrivions dans notre préface aux Nouvelles Contemporaines de Nikolaï Lvov, que nous avons été dans l’impossibilité totale de retrouver les originaux en russe de ces textes, et qu’il était bien possible qu’au moins certains d’entre eux aient été rédigés directement en français.

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Jean-Paul Bourdon nous a écrit quelques mots à ce sujet, qui vont dans le sens de cette dernière hypothèse :

«Il est certain que ces nouvelles ont été écrites directement en français par Nikolaï Lvov, ça se voit à tous les paragraphes, entre autres, grâce aux innombrables erreurs de vocabulaire et d’expressions qu’il emploie et aux mots qui n’existent pas en français. La note d’Alexandre Baschmakoff [signalant la publication en russe d’une des nouvelles] (p. 169) est peut-être même un artifice littéraire pour créer un effet de réalité.

Cette langue bizarre va surprendre énormément les Français de France, du moins ceux qui connaissent la littérature du XIXe siècle et du début du XXe siècle: c’est le français des Russes de Saint-Pétersbourg, comme nous avons celui des Belges, des Suisses et des Québécois. Cependant, Lvov maîtrise tellement naturellement la langue française par ailleurs que ces incongruités ne gênent pas la compréhension de l’ensemble.

Lvov emploie encore des mots français qui n’ont plus cours chez à cette époque, comme le verbe «mander» (p. 37) qu’on trouve à toutes les pages des lettres de Mme de Sévigné, «gripper le raton» (p. 16) et «tranchées», qui entraîne même un calembour (un peu scatologique) digne de l’almanach Vermot: «Et le premier obus qui creva à une centaine de pas de moi, me causa des tranchées qui n’avaient rien de commun avec celles de l’ennemi» (p. 117).

Il est certain aussi que Nikolaï Lvov (et tous les intellectuels qu’il fréquente) connaît parfaitement bien la France, sa géographie (plusieurs de ses régions et de ses villes), son histoire, sa langue (même s’il la charge perpétuellement de scories très bizarres), son mouvement intellectuel et même ses lois. Plusieurs nouvelles mettent en scène des personnages de Français ou se passent carrément en France. C’est un fait remarquable et ce n’est pas par hasard. Voici des détails qui montrent qu’il connaît parfaitement ce qui se passe en France :

• «C’est toujours lui qui […] rachetait les joyaux déposés chez la tante» (p. 74). Il aurait dû écrire «chez ma tante». Cette expression d’argot française est récente, elle est datée de 1823. Lvov la connaît. Pas mal, non?

• Il est aussi au courant de cette coutume française sur le flagrant délit d’adultère qui consiste à acquitter le mari qui tue sa femme s’il la surprend au plumard avec un autre (mais l’inverse n’est pas vrai). Lvov signale cette particularité p. 81 et 148.

• Lvov fait allusion par exemple aux francs-tireurs dans la nouvelle qui se passe pendant la Commune de Paris. Ce nouveau terme de «francs-tireurs» s’est répandu justement après la Commune de 1870 et à propos de ce soulèvement populaire. Un franc-tireur est un civil qui prend les armes et qui combat sans faire partie d’une armée. Attitude qui a scandalisé tous les militaires de l’époque. Dans un ouvrage paru presque aussitôt, Gobineau, triste sire anti-démocrate, anti-républicain, anti-peuple et théoricien raciste des races, a fustigé ces civils qu’il conseillait de fusiller sur place. Le franc-tireur, c’est la très grande angoisse des conservateurs à l’époque (si le peuple se soulève et s’arme, où va-t-on, ma brave dame?). L’auteur était parfaitement au courant de ce débat en France. Bravo Lvov!

• Lvov cite même l’opérette française nunuche Les Cloches de Corneville (1877) qui se passe en Normandie et où l’on chante, entre autres, «Vive le cidre de Normandie»! Imaginez Lvov écoutant ça à Pétersbourg…

Ce recueil de nouvelles illustre parfaitement les formidables relations entre la France et les écrivains et les intellectuels de Pétersbourg à cette époque.»

Jean-Paul Bourdon

3 juin 2015

Jeunes, anarchistes et révolutionnaires à Saint-Pétersbourg

Il est temps de publier la deuxième partie de ce diptyque artificiel que nous avons appelé « Les étudiants ». À la différence du personnage central de Pacha Toumanov, qui était un parfait crétin, ceux des Ombres du matin, de Mikhaïl Artsybachev sont intelligents, et motivés à rendre le monde meilleur. Idéalistes, humanistes, ils embrassent clairement la cause anarchiste, et certains d’entre eux rejoindront le mouvement révolutionnaire.

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Mais arriveront-ils forcément à quelque chose de mieux que Pacha Toumanov? On connaît la position nihiliste de Mikhaïl Artsybachev, aux yeux de qui même les autres nihilistes ne trouvent pas grâce.

Court roman psychologique, Les Ombres du matin nous offre un portrait fascinant de trois étudiants russes du début du XXe siècle, à l’aube de la révolution. Malgré le volume de cette œuvre, nous avons fait le choix de ne la faire paraître qu’en numérique, et ça aussi, c’est une révolution.

Époque – Salon du livre de Caen

Malheureusement, nous n’avons pas été parmi les heureux gagnants du tirage au sort qui a déterminé le choix des éditeurs présents au Salon du Livre de Caen, rebaptisé cette année « Époque ».

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Cependant, une bonne part de notre catalogue se trouvera sur la table commune gérée par la librairie Brouillon de Culture. Donc, amis caennais et bas-normands, n’hésitez pas à vous y rendre! Le salon est gratuit et se tiendra de demain à dimanche soir.

Pour plus d’informations, c’est ici.

Du nouveau sur Ilya Mouromets

Ilya Mouromets est le grand héros du folklore russe. Bien que connu essentiellement par des chants épiques, on dispose cependant à son sujet de sources secondaires qui ne sont pas moins importantes: ainsi en est-il contes en proses. Ces contes, pour ce qui concerne la Russie, nous ont été préservés sur des manuscrits du XVIIIe siècle et des feuillets de colportage imprimés du XVIIIe et du XIXe siècle.

Mais la légende d’Ilya Mouromets a aussi largement dépassé la seule Russie. On s’en doutait déjà lorsqu’on sait que sa momie est toujours présente dans les catacombes de la Laure de Kiev. Ainsi, des contes le concernant ont été collectés en Biélorussie et en Estonie.

Anacharsis

Après avoir traduit en français l’essentiel des chants le concernant (Ilya Mouromets et autres héros de la Russie ancienne, 2009, Toulouse, Anacharsis; Sadko et autres chants mythologiques des Slaves de l’Est, 2015, Lisieux, Lingva), nous avons donc travaillé sur cinq de ces contes: deux russes, deux biélorusses et un estonien. Les voici en édition numérique.

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Concours Sherlock Holmes

Le mois prochain paraîtra Sherlock Holmes en Sibérie, de P. Orlovets. Un ensemble de récits qui plongent le célèbre détective anglais en plein coeur de la taïga, dans les environs du lac Baïkal et à proximité de la Chine.

Pour fêter cela, nous avons eu envie de lancer un petit concours.

La règle est toute simple: partagez, avant le 31 mai 2015, 20h, sur votre site, votre blog ou votre page Facebook (en mode public), l’image ci-dessous, puis postez ici le lien en commentaire. Le gagnant sera tiré au sort et remportera un exemplaire de Sherlock Holmes en Sibérie!

Bonne chance à tous!

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Du conte populaire à la satire

Le conte satirique Le Jugement de Chemiaka, ou Jugement de Chemiakine, est connu depuis le XVIIe siècle, par diverses variantes, parfois signées, souvent portées par des feuillets de colportage, le fameux lubok russe.

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On en connaît quelques versions, souvent illustrées de gravures plus ou moins naïves. Le thème est simple: il s’agit de moquer la corruption de la justice au travers d’un jugement totalement inique.

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En 1833, Nikolaï Polevoï s’empare du sujet et l’enrichit, tout en en gardant la trame et les personnages. Ainsi le conte entre en littérature et devient une satire féroce tant de la paysannerie et de sa supposée naïveté, que de la justice, qui déguise en frais divers, et de façon parfois totalement absurde, des pots-de-vin. Kafka n’est finalement pas très loin…

Afin de pouvoir permettre au lecteur d’apprécier la différence de traitement entre l’oeuvre de Polevoï et les versions de colportage, nous avons ajouté à notre édition numérique, le texte d’une variante du XVIIIe siècle publiée par le grand folkloriste Alexandre Afanassiev.

À propos de Kobo

Nous nous efforçons de diffuser tous nos livres en numérique, de façon aussi large que possible, avec nos petits moyens, faute pour l’instant de distributeur. Nos ebooks, quel que soit leur format, sont bien évidemment sans DRM. Nous nous payons même le luxe de faire paraître des nouvelles, pour l’instant une fois par semaine, directement en numérique.

Sur Google Play, ils sont en pdf, sur Amazon, au format kindle, et sur Lulu et Kobo, en epub. D’une manière générale, tout se passe bien, même si d’un point de vue technique nous pourrions encore mieux faire.

Tout? Non, pas tout à fait. Avec Kobo, cela ne se passe pas toujours correctement. Régulièrement nous avons le droit au message ci-dessous:

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Pour Kobo, une partie de nos livres relèvent du domaine public.

C’est bien entendu totalement faux.

D’une part, il s’agit de nos propres traductions, et dans ce cas, la question ne se pose évidemment pas.

D’autre part, nos autres publications, si elle porte sur des traductions anciennes, font l’objet d’un travail éditorial important. Nous révisons toutes les traductions, parfois de façon considérable, en les comparant avec les textes originaux. S’il le faut, nous les complétons (les anciens traducteurs, ou parfois leurs éditeurs, n’hésitaient pas à jouer du ciseau). Et surtout, nous y ajoutons une introduction sur l’auteur, son oeuvre, les circonstances de publication, etc. Cette introduction est évidemment courte pour les nouvelles, mais bien plus longue pour les ouvrages. Ce sont des jours de travail, un travail original, qui n’est dû qu’à nous. Cela ne relève en rien du domaine public. Nous ne faisons pas de copyfraud.

Mais visiblement, sur Kobo, les ebooks sont validés par un robot, ou par un imbécile, ou par un robot imbécile, bref, quelqu’un qui ne sait ni ce qu’est la littérature, ni la propriété intellectuelle.

Quoiqu’il en soit, cela fait plusieurs fois que cela arrive. Parfois il suffit de republier le livre pour que finalement il passe, parfois non. Ce soir, Kobo vient de refuser pour la troisième fois notre réédition de Pacha Toumanov, de Mikhaïl Artsybachev. Nous n’insisterons pas.

À l’avenir, nous continuerons à proposer nos livres sur Kobo, mais sans faire d’efforts: nous avons autre chose à faire pour perdre du temps avec des machines stupides. De toutes façon, amis lecteurs, ils vous restent trois autres plateformes pour vous procurer nos ouvrages en numérique!

Mikhaïl Artsybachev et la jeunesse

Nous l’avons bien vu avec les deux récits fantastiques que nous avons publiés dans Sous le soleil: Mikhaïl Artsybachev est un nihiliste. De la pire espèce, même, puisque les autres nihilistes ne trouvent pas grâce à ses yeux. Dans deux nouvelles, publiées en 1901 et 1905, il s’attaque au milieu des étudiants. Dans l’une, Pacha Toumanov, que nous rééditons aujourd’hui même en numérique, il s’attache à suivre le parcours d’un jeune homme issu d’une famille désargentée, un parcours lamentable: plus soucieux de jouer au billard avec ses amis que de faire ses études au Gymnase, il rate pitoyablement ses examens. Un échec dont il va attribuer la faute à tout le monde, sauf à lui-même.

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Dans Les Ombres du matin, que nous publierons de la même manière d’ici quinze jours, il suit trois jeunes provinciaux, une jeune fille noble, un petit bourgeois et une jeune fille juives, qui décident ensemble de monter faire des études à Saint-Pétersbourg, avec pour objectif commun de sortir de leur petit milieu rural et de faire de grandes choses, avec bien des espoirs déçus à la clé.

Deux approches différentes, deux histoires différentes, mais au final le même fonds, et un regard impitoyable sur la jeunesse et ses illusions.

Ressusciter une œuvre – 2

Nikolaï Lvov n’est plus tout à fait un parfait inconnu. En 2009, les éditions des Syrtes ont publié des Souvenirs d’antan qui travestissaient en œuvre de fiction la jeunesse de l’auteur.

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Mais qui savait encore que ce même personnage, plus connu comme député à la Douma russe de 1906 à 1917, avait publié, en français, une poignée de nouvelles décrivant, par le biais d’histoires tour à tour comiques et tragiques, la société russe à l’aube de la Première Guerre mondiale? C’est un pur hasard qui nous a fait découvrir ces Nouvelles contemporaines – puisque tel est le sous-titre que plusieurs d’entre elles portent –, un très heureux hasard. Car Lvov fait preuve d’un talent impressionnant. Le portrait qu’il nous offre de cette société initialement cosmopolite, mais qui tend avec la guerre à se refermer sur elle-même, est riche, varié: l’auteur peut s’intéresser aussi bien à l’obscur comptable d’un journal qu’à la richissime épouse d’un général en retraite.

Nouvelles contemporaines est donc maintenant disponible, et peut être commandé auprès de n’importe libraire disposant du FEL. D’ici quelques heures il sera aussi disponible en numérique. Mais vous pouvez dès maintenant en lire une nouvelle en cliquant sur ce lien.